L’écrivain public exerce un des plus anciens métiers du monde qui connut son âge d'or du moyen âge au XIXe siècle. Tombée en désuétude, la profession semble renaître aujourd’hui en explorant de nouvelles voies.
Une histoire ancienne et un âge d'or au XIXème siècle
Les scribes de l'Égypte antique, les druides gaulois, les moines bénédictins, les clercs du Moyen Âge sont des ancêtres des écrivains publics dans un monde où l’écriture était au service des pouvoirs politiques et religieux.
A partir du XIIIe siècle et jusqu'au XIXe siècle, l'accroissement de la population, le développement des villes, l'apparition de la bourgeoisie, l'essor du commerce, les débuts de l'administration rendent l'écriture indispensable alors même que la population demeure illettrée. Une tierce personne est nécessaire pour lire et rédiger les contrats ou chartes, établir les titres de propriété, envoyer les courriers, réaliser les inventaires…. C'est l'âge d'or des écrivains public. A partir de la fin du XIXe siècle, l'éducation fait reculer rapidement le nombre d'illettrés et la profession semble vouée à la disparition.
Une renaissance récente sous forme d'écrivain conseil (1)
Les chiffres entre parenthèses ou entre crochets se réfèrent aux notes inscrites à la fin de l'article
Les dernières décennies, la profession semble renaître sous de nouvelles formes. Délaissant le terme « Écrivain Public » qui fait référence au passé, porte une image modeste et évoque un travail tourné vers la rédaction de lettres à caractère social, les nouveaux praticiens se nomment « prestataire et conseil en écriture » ou « écrivain conseil ». Ils englobent les fonctions d’écrivains publics, de biographes, d’écrivains privés, de conseils en communication écrite, d’animateurs d’ateliers d’écriture, de correcteurs… Ils ancrent ainsi leur profession dans le XXIe siècle en lui donnant une image plus moderne et en élargissant le périmètre de leurs interventions.
Aujourd'hui: Profession non reconnue, cadre juridique flou
Cependant la profession s’exerce dans un cadre flou. Amélie Daems [2] dans son article "Écrivains publics à Bruxelles" [3] décrit une situation qui peut être généralisée à la plupart des pays européens.
« L’activité des écrivains publics reste juridiquement non définie et non reconnue. Ignorés, ceux-ci sont contraints à professer dans une sorte de flou légal. Il n’y a pas d’accès à la profession et toute personne est autorisée à se déclarer écrivain public à titre indépendant. Aucune spécificité n’est reconnue à la profession, aucun diplôme particulier n’est requis.
En réalité, deux situations coexistent: soit l’écrivain public travaille sous statut indépendant, soit il exerce en tant que bénévole ou salarié pour une association ou un organisme public. Dans le premier cas, aucun statut spécifique ne lui est reconnu. A chacun sa libre appréciation concernant les limites de son action, son éthique professionnelle, ses tarifs. Dans le second, il est engagé par une ASBL, un Centre d'action sociale, une Maison de quartier… Son statut juridique est alors déterminé par la structure dans laquelle il exerce. Avant d’être écrivain public, il est un agent de l’institution. »
L'avenir: vers la reconnaissance de la profession (4)
L’activité d’écrivain a pourtant tout à gagner à entrer dans un processus de de professionnalisation [5]. Il s’agit de constituer une association professionnelle, de mettre en place une formation spécifique et d’obtenir une reconnaissance sociale et statutaire.
Une association professionnelle est la "voix" des professionnels qu’elle représente. Elle promeut et défend la profession, produit de l’information, crée un annuaire, met les professionnels en relation les uns avec les autres, délivre une certification, encourage la mise en place de formations professionnelles et rédige une charte déontologique.
En France: un début de professionnalisation
En France, le processus de professionnalisation est en marche. La profession est structurée autour de plusieurs organisations professionnelles. L’Académie des écrivains publics de France [6] est fondée en 1980. Elle est suivie par le Groupement des écrivains conseils [7] (2002), le Syndicat national des prestataires et conseils en écriture [8] (2007), la Fédération nationale des écrivains publics (2009) et le Syndicat des écrivains publics et des professionnels de l'écriture (2014).
La majorité des écrivains publics a suivi une formation littéraire générale (lettres, philo, histoire, langues…). Cependant, plusieurs formations spécifiques sont mises en place par les pouvoirs publics. L'université Sud Toulon Var propose une double certification comme écrivain public et auteur conseil [9]. L'université Paris III Sorbonne met en place une licence professionnelle « Intervention sociale » option « Écrivain public assistant en démarches administratives et en écritures privées » [10]. L'université de Limoges offre une licence professionnelle rédaction technique et le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance, branche de l’Education Nationale) inscrit à son catalogue une formation d’écrivain public [11].
Article écrit par Michel Dumoulin, Belgique, www.entouteslettres.eu
[1] D’après Jacqueline Beckers (2007), Compétences et identité professionnelles : L’enseignement et autres métiers de l’interaction humaine. De Boeck
[2] Amélie DAEMS est chargée de recherche au Centre de recherche Urbaine à l'Université Libre de Bruxelles
[3] Ecrivains publics à Bruxelles in Revue TEF (Travail, Emploi, Formation), n°6 – 2006 « Professionnels à tous crins » Cahiers de sociologie et d’économie régionale, Université Libre de Bruxelles. Auteur: Amélie DAEMS.
[4] D’après J Beckers, Compétences et identité professionnelles : L’enseignement et autres métiers de l’interaction humaine. De Boeck. 2007.
[5] Raymond Bourdoncle, La professionnalisation des enseignants : analyses sociologiques anglaises et américaines, Revue française de pédagogie, 1991, Vol. 94
[6] http://ecrivains-publics.fr
[7] http://www.ecrivainsconseils.net/
[8] http://www.snpce.fr/
[9] http://formation.univ-tln.fr/IMG//pdf/du-ecrivain-public-auteur-conseil-univ-toulon.pdf
[10] http://www.dgcis.gouv.fr/services-a-la-personne/licence-pro-intervention-sociale-option-ecrivain-public
[11] http://www.cned.fr/inscription/5ECRIDIX